Alors qu’à Paris, la semaine de la mode masculine se termine (22-27 juin) et que la Haute Couture va commencer (4-8 juillet), nous allons nous intéresser à un couturier connu et reconnu comme LE sculpteur de corps de femmes. Ce couturier n’est autre qu’Azzedine Alaïa. D’origine tunisienne, il suivi à Tunis une formation de sculpteur aux Beaux-Arts. Il se mit à la couture en observant sa sœur Hafida et en l’aidant de temps à autre. Il se met à copier des modèles Dior ou Balmain pour ses voisines et les femmes aisées de Tunis et grâce au bouche-à-oreille et aux rencontres, il finit par obtenir une place chez Christian Dior en France. Place qu’il ne conserva que quelques jours avant d’être renvoyé. Nous sommes en 1956, c’est la guerre d’Algérie et les temps sont durs pour les personnes venant d’Afrique du Nord. Mais, toujours grâce aux rencontres fortuites, Azzedine Alaïa va trouver sur sa route Simone Zehrfuss puis Louise de Vilmorin qui l’introduiront dans la haute société bourgeoise parisienne et lui permettront d’abord d’établir une clientèle et plus tard, de créer son entreprise.
Après avoir réalisé des robes en toute confidentialité dans son petit atelier rue de Bellechasse, il finit par se lancer au début des années 80 et crée sa griffe à son nom. Très discret, il organise ses défilés en dehors des semaines de la mode et toujours dans son atelier qui va déménager au fur et à mesure qu’il s’agrandit. Adulé à la fin des années 80 et début des années 90, son style est reconnaissable à sa manière de sublimer le corps de la femme en soulignant ses courbes dans des robes souvent très moulantes et en le sculptant. Alaïa aime la femme et lui rend bien. Nous avons tous en tête la sculpturale robe rose de Grace Jones dans le James Bond « Dangereusement vôtre » ou les tenues spectaculaires de Tina Turner ou encore ses robes monochromes ou noires qui modèlent le corps.
Le noir, couleur fétiche du styliste-couturier, lui permet de magnifier les personnalités. Et c’est ce goût pour le noir qu’il a en commun avec le photographe allemand, Peter Lindbergh, avec qui il a collaboré dès les années 80, jusqu’à sa disparition soudaine en 2017.
Peter Lindbergh, quant à lui, s’est formé aux arts appliqués à Berlin mais a très rapidement ressenti le besoin de voyager. Il interrompt sa formation pour se rendre en France dans les années 70, sur les traces de l’artiste pour lequel il voue une fascination, Van Gogh. Puis, il rentre en Allemagne ou il finira ses études. Il se tourne rapidement vers la photographie et acquiert une notoriété dans le domaine de la publicité en Allemagne.
Passionné par le cinéma noir et blanc et par les panoramas, il écarte la couleur de son travail, le N&B est un moyen pour lui de rechercher l’authenticité des visages qu’il met en lumière. Son travail sort des sentiers battus et des studios. Ses photographies se veulent plus réalistes que commerciales et c’est grâce à une photographie réalisée pour Vogue en 1988 que Peter Lindbergh va rentrer dans l’histoire de la mode. Cette image regroupe sur la plage de Santa Monica, à peine maquillées et vêtues d’une simple chemise blanche, les mannequins : Linda Evangelista, Karen Alexander, Christy Turlington, Estelle Lefébure, Tatjana Patitz et Rachel Williams qui alors sont encore inconnues et réunies pour la première fois sur une même photographie. Refusée par le Vogue américain, elle fut publiée par le Vogue britannique. Une seconde image, qui fera cette fois-ci la couverture du Vogue britannique, réunie Christy Turlington, Tatjana Patitz, Linda Evangelista, Naomi Campbell et Cindy Crawford. Et c’est cette simple image qui marquera le début de l’ère des « supermodels ».
Quand dans les années 80, Alaïa et Lindbergh se rencontrent, c’est le coup de foudre artistique. Tous deux mettent en valeur la femme avec le moins d’artifices possible. Leur collaboration devient mythique, comme Richard Avedon et Christian Dior ou Helmut Newton et Yves Saint Laurent. L’exposition « Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh », sous la direction de Benjamin Lindbergh et Olivier Saillard, à la Fondation Azzedine Alaïa, est l’occasion de se plonger dans leur univers commun et réuni pour la première fois ensemble, les photographies de Peter Lindbergh mettant en scène les tenues d’Alaïa et les tenues elles-mêmes.
Amoureux de photographie ou passionnés de mode, cette exposition est faite pour vous.
Et pour prolonger ou approfondir l’exposition, les éditions Taschen ont publié un magnifique catalogue retraçant leur collaboration qui a tout de même duré plus de 30 ans.
Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh
Fondation Azzedine Alaïa, 18 Rue de la Verrerie 75004 Paris
Du 20 mai au 14 novembre 2021
Peter Lindbergh. Azzedine Alaïa
Edition Taschen
60€